« Le Soudan est pris au piège d’un cauchemar », a déclaré Rosemary DiCarlo, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques de l’ONU, aux membres du Conseil, faisant écho à la sombre déclaration faite par le Secrétaire général il y a deux semaines.
La dernière vague de violence a été particulièrement brutale, notamment dans l’est de l’État d’Aj Jazirah, où les forces paramilitaires de soutien rapide (FSR) ont lancé des attaques décrites par les organisations non gouvernementales (ONG) comme parmi les plus graves de la guerre jusqu’à présent.
Les civils ont été les plus touchés par ces offensives, avec d’innombrables pertes en vies humaines, des maisons détruites et des communautés déplacées. Des rapports font également état de violations choquantes des droits de l’homme, notamment de violences sexuelles généralisées contre les femmes et les filles.
Les deux camps sont responsables
Mme DiCarlo a condamné non seulement les attaques des FSR, mais aussi les frappes aériennes aveugles des Forces armées soudanaises (FAS) dans des zones peuplées de civils comme la capitale Khartoum et El Fasher, une grande ville du Darfour-Nord qui accueille des milliers de déplacés internes et qui est assiégée depuis des mois par les FSR.
« Les deux parties belligérantes portent la responsabilité de ces violences », a-t-elle souligné.
Elle a ajouté qu’à l’approche de la fin de la saison des pluies, les deux camps continuent d’intensifier leurs opérations militaires, de recruter de nouveaux combattants et d’intensifier leurs attaques, alimentées par un soutien extérieur « considérable » et un flux constant d’armes. « Pour le dire franchement, certains prétendus alliés des parties permettent le massacre au Soudan. C’est inadmissible, c’est illégal et cela doit cesser ».
Un cessez-le-feu immédiat est nécessaire
Appelant à un cessez-le-feu immédiat, Mme DiCarlo a souligné que la fin des combats est le moyen le plus efficace de protéger les civils.
« Il est grand temps que les parties belligérantes s’assoient à la table des négociations. La seule issue à ce conflit est une solution politique négociée ».
Si les armées rivales ne sont peut-être pas prêtes à accepter un règlement négocié, les partenaires du Soudan ont la responsabilité de les inciter à œuvrer en ce sens, a-t-elle déclaré, saluant l’Union africaine (UA), l’organisation de développement régional, l’IGAD, et le groupe international soutenant les efforts humanitaires et les pourparlers de paix, l’ALPS, pour leurs tentatives d’amener les généraux rivaux à la table des négociations.
L’ONU continuera de dialoguer avec les parties belligérantes par l’intermédiaire de Ramtane Lamamra, l’Envoyé personnel du Secrétaire général pour le Soudan, notamment par le biais de visites régionales et de pourparlers de proximité, a-t-elle ajouté.
Des communautés coupées du monde
La situation au Soudan n’a cessé de se détériorer depuis le début de la guerre en avril 2023. Il s’agit désormais de la pire crise de déplacement de population au monde, avec plus de 11 millions de personnes chassées de chez elles, dont près de trois millions dans les pays voisins en tant que réfugiés.
La guerre a également déclenché une grave crise de la faim, qui touche des millions de personnes. De vastes étendues de terres fertiles sont en jachère, les familles ayant fui pour se mettre en sécurité ou manquant de semences, d’engrais et d’autres produits de première nécessité.
L’accès des travailleurs humanitaires et des fournitures reste également un défi majeur.
Ramesh Rajasingham, Directeur de la coordination au Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a déclaré aux membres du Conseil de sécurité que les organisations humanitaires « restent incapables d’atteindre la grande majorité des personnes dans les zones de conflit au Soudan à une échelle qui se rapproche de celle qui est adéquate ».
« Certaines zones sont complètement isolées. D’autres ne peuvent être atteintes qu’après avoir suivi des procédures compliquées qui retardent et entravent les livraisons », a-t-il dit.
Si la réouverture du poste frontière d’Adré entre le Tchad et le Soudan constitue un répit bien nécessaire, elle n’est pas suffisante à elle seule, a-t-il ajouté, notant que la capacité de l’ONU à accéder aux zones clés au-delà des lignes de conflit depuis Port Soudan au bord de la mer Rouge reste sévèrement limitée.
« Nous avons besoin de toute urgence que les parties assurent la circulation sûre, rapide et sans entrave des fournitures de secours et du personnel humanitaire par tous les itinéraires disponibles, avec la plus grande flexibilité possible », a-t-il exhorté.
Détérioration des revenus des ménages urbains
Une étude du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) publiée mardi souligne que 18 mois de guerre ont profondément affecté les ménages urbains au Soudan où l’emploi à temps plein a chuté de moitié. L’agence onusienne relève que la relance économique, la protection sociale et la réhabilitation des infrastructures sont essentielles à la reprise urbaine dans ce pays d’Afrique du nord-est.
« Cette étude révèle l’aggravation significative des vulnérabilités auxquelles les ménages urbains soudanais sont confrontés aujourd’hui sur de nombreux fronts. Aucune intervention ne peut à elle seule remédier à cette crise de développement multiforme », a souligné Luca Renda, Représentant résident du PNUD au Soudan.
La proportion de ménages urbains déclarant ne pas avoir de revenus ou d’emploi a grimpé à 18 %, contre 1,6 % avant le conflit. Le taux de chômage devrait dépasser les 45 % d’ici à la fin de l’année 2024, selon l’étude conjointe du PNUD et de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI).
Un ménage urbain sur sept accède à des services de santé complets
L’étude est basée sur les analyses d’une enquête complète sur les ménages urbains à travers le pays menée par les deux organisations entre mai 2024 et juillet 2024, auprès de 3.000 ménages. Elle fournit une évaluation complète de la manière dont le conflit en cours affecte les ménages urbains au Soudan.
Les deux tiers des combats étant concentrés dans des villes de plus de 100.000 habitants, il est essentiel de comprendre l’impact de la guerre sur les moyens de subsistance en milieu urbain pour pouvoir relever les défis économiques immédiats et surmonter les obstacles au développement à long terme.
Plus de 56 % des ménages urbains ont déclaré être en moins bonne ou très mauvaise santé qu’avant le conflit, l’accès aux services de santé complets ayant chuté de façon spectaculaire, de 78 % à 15 %.
Parmi les 4 pays du monde où la malnutrition aiguë est la plus élevée
Alors que le Soudan fait désormais partie des quatre pays du monde où la prévalence de la malnutrition aiguë est la plus élevée, estimée à 13 %, près de la moitié de la population urbaine est confrontée à une insécurité alimentaire modérée à sévère.
« Le conflit en cours intensifie les défis déjà critiques, y compris l’insécurité alimentaire généralisée », a déclaré Khalid Siddig, chercheur principal et chef du programme de soutien à la stratégie du Soudan à l’IFPRI. « En 2022, avant le début du conflit, seule la moitié de la population déclarait être en sécurité alimentaire. Depuis, la proportion de ménages urbains en sécurité alimentaire a chuté d’environ 54 % à seulement 20 % ».
Environ 63 % des ménages urbains ont déclaré que tous les enfants en âge d’être scolarisés dans le ménage avaient cessé de fréquenter l’école, alors que plus de 88 % ont au moins un enfant en âge d’être scolarisé qui avait cessé d’aller à l’école depuis le début du conflit.
L’accès à l’eau courante a diminué de 72 % à 51 %, tandis que près de 90 % des ménages ont signalé une détérioration de la fiabilité de l’approvisionnement en électricité.
Atténuer les souffrances immédiates
L’étude observe que même si la part de la population bénéficiant d’une aide a globalement augmenté au cours du conflit, 76 % de la population a déclaré ne bénéficier d’aucune aide. La plupart d’entre eux ont déclaré s’appuyer sur des réseaux personnels de membres de la famille et d’amis, plutôt que sur les institutions gouvernementales, les agences humanitaires internationales ou les organisations nationales de la société civile.
Pour relever les défis auxquels sont confrontés les ménages urbains au Soudan, le PNUD prône des réponses multisectorielles globales et holistiques qui ne se contentent pas d’atténuer les souffrances immédiates, mais qui jettent des bases solides pour un redressement durable et une résilience durable.
Il s’agit ainsi de mettre en œuvre des programmes de relance économique, mais aussi étendre les initiatives d’agriculture urbaine pour aider à diversifier les sources de nourriture et offrir un accès durable aux éléments d’un régime alimentaire nutritif.
Outre l’amélioration de l’accès aux soins de santé, le PNUD veut restaurer les solutions et les plateformes d’apprentissage à distance ainsi que les centres communautaires, tout en travaillant à la reconstruction du système éducatif.
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