« Nous sommes outrés par la pratique du Gouvernement, consistant à museler un mouvement de contestation politique en arrêtant et détenant arbitrairement des personnes qui osent s’élever et s’exprimer », ont dit ces experts dans une déclaration conjointe.
« Nous sommes profondément préoccupés par le maintien en détention de Mme Djamila Bentouis, la condamnation en juillet dernier à deux ans de prison et à 100.000 dinars algériens d’amende pour sa participation au mouvement de protestation sociale Hirak », ont-ils précisé.
Selon les défenseurs des droits humains, les charges pénales retenues contre Mme Bentouis sembleraient directement liées à l’exercice de son droit à la liberté d’expression, y compris l’expression artistique.
« Nous demandons à la Cour d’appel d’annuler sa condamnation et l’innocenter de toutes les charges qui pèsent sur elle, qui sont contraire au droit international », ont-ils déclaré.
Des poèmes et chants patriotiques repris par la rue
Par ses poèmes et chants patriotiques, Mme Bentouis a participé au Hirak, mouvement algérien de contestation politique et socio-économique né en 2019 suivant la fin du mandat du Président Abdelaziz Bouteflika.
Ses textes ont été repris par les manifestants algériens.
Mme Bentouis a également enregistré certaines chansons sur le Hirak, largement partagées sur les réseaux sociaux, et a l’habitude de réciter publiquement ses poèmes à Paris.
« Lorsqu’une artiste s’exprimant sur des affaires publiques est abusivement condamnée pour diffusion délibérée de fausses nouvelles ou de nouvelles malveillantes dans le public, susceptibles de nuire à la sécurité ou à l’ordre public, un effet dissuasif sur l’ensemble de la population est clairement recherché », ont estimé les experts.
La liberté d’expression et d’association menacées
Ils ont rappelé que le rapport de septembre 2023 de la Rapporteure spéciale sur la liberté de réunion pacifique et d’association sur sa visite dans le pays, avait fait part de ses préoccupations concernant la répression et l’intimidation continues des personnes et des associations critiques à l’égard du gouvernement, y compris le mouvement Hirak, et qu’il comprenait également des recommandations spécifiques visant à abandonner les poursuites et à gracier les personnes condamnées pour l’exercice de leurs droits légitimes.
Les experts ont également exprimé leurs préoccupations concernant les accusations initiales pour atteinte à l’intégrité et à la sécurité de l’État et appartenance à une entité terroriste.
Protéger l’art et la culture
La poursuite de Mme Bentouis pour terrorisme en vertu de l’article 87 bis et d’autres infractions liées à la sécurité nationale dans le code pénal porterait atteinte à la liberté d’expression et d’association en Algérie de manière plus générale, ce qui pourrait particulièrement affecter les secteurs artistiques et culturels, les Algériens vivant à l’étranger et l’espace civique dans son ensemble, ont soutenu les experts.
« Nous espérons vivement que l’Algérie respectera ses obligations internationales en matière de droit à la liberté d’expression lors de la décision en appel de ce cas devant le Conseil judicaire d’Alger le 2 octobre prochain », ont-ils conclu.
Les experts ont déclaré avoir communiqué avec le gouvernement de l’Algérie sur le cas de Mme Bentouis, et attendent toujours une réponse.
*Les experts signant cette déclaration sont : Alexandra Xanthaki, Rapporteure spéciale dans le domaine des droits culturels ; Irene Khan, Rapporteure spéciale sur la liberté d’opinion et d’expression ; Gina Romero, Rapporteure spéciale sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association ; Ben Saul, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et la lutte anti-terrorisme.
NOTE :
Les experts relèvent de ce qu’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Le terme « procédures spéciales », qui désigne le plus grand corps d’experts indépendants au sein du système onusien des droits de l’homme, est généralement attribué aux mécanismes indépendants d’établissement des faits et de supervision mis en place par le Conseil. Les titulaires de mandats au titre de procédures spéciales sont des experts des droits de l’homme indépendants nommés par le Conseil des droits de l’homme afin de traiter de la situation spécifique d’un pays ou de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent bénévolement ; ils n’appartiennent pas au personnel de l’ONU et ne perçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou de toute organisation et sont nommés à titre individuel.
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