Publié le 10 juillet 2024
Par Aubrey Manahan, chargé de campagne pour le programme Personnes, terres et ressources de CIEL
La Société financière internationale (SFI) – la branche de la Banque mondiale chargée des prêts privés – devrait publier dans quelques semaines son premier cadre de politique de sortie responsable et de réparation. Cette politique tant attendue est le fruit de décennies de plaidoyer de CIEL, de partenaires de la société civile et de communautés touchées par des projets financés par la SFI.
La politique à venir est une occasion historique pour le Groupe de la Banque mondiale (Banque mondiale) d’aligner enfin ses actions sur ses responsabilités en vertu du droit international et de son propre mandat de développement. Elle vise à garantir que la SFI, dans ses efforts de développement, non seulement s’abstienne de causer des dommages, mais prenne également des mesures proactives pour traiter et rectifier tout dommage auquel elle contribue.
Cette opportunité arrive à un moment critique où la Banque mondiale, sous la direction du président Ajay Banga, a reconnu la nécessité de réformes opérationnelles significatives articulées dans la feuille de route Evolution pour répondre efficacement aux défis contemporains de la polycrise mondiale et soutenir la mission de la Banque mondiale qui est de mettre fin à l’extrême pauvreté et de stimuler la prospérité partagée sur une planète vivable.
Toutefois, d’importantes préoccupations persistent quant à l’engagement de la Banque en matière de responsabilité et de transparence, alors qu’elle continue d’étendre ses opérations financières. Au fil des ans, il y a eu de nombreux cas où la Banque a financé des projets de développement qui ont porté préjudice aux communautés et aux environnements qu’elle est censée aider, que ce soit en raison d’une évaluation inadéquate des parties prenantes et des risques avant l’approbation du projet ou en ignorant les rapports sur les dommages environnementaux et sociaux au cours de la mise en œuvre du projet.
Des exemples tels que les projets Tata Mundra et Alto Maipo illustrent l’approche historique de la SFI qui consiste à se retirer discrètement des projets problématiques, en laissant les communautés affectées supporter seules le poids des impacts environnementaux et sociaux néfastes au lieu de prendre des mesures pour remédier aux préjudices auxquels elles ont contribué.
Bien que la SFI ait précédemment adopté des politiques de sauvegarde environnementale et sociale et mis en place un mécanisme de responsabilité indépendant, le Compliance Advisor Ombudsman (CAO), pour traiter les griefs liés aux projets, ces mesures n’ont souvent pas permis de remédier aux préjudices subis par les communautés et l’environnement lorsque les choses tournent mal.
CIEL a récemment rencontré le président Banga au sujet de la discussion en cours sur le cadre de réparation et de sortie responsable. Notre conversation avec le Président Banga a mis l’accent sur la nécessité d’inclure des dispositions solides dans le cadre final de réparation afin de garantir la responsabilité de la SFI en matière de réparation pour les communautés qui ont été lésées par les projets financés par la SFI.
CIEL reste optimiste quant à l’impact potentiel du cadre malgré les longs délais et les défauts du processus de consultation, ainsi que les critiques généralisées dues à la réticence de la SFI à s’engager à fournir des réparations et des compensations dans les cas où des préjudices graves ont découlé des projets qu’elle a financés, tels que ceux subis par les enfants dans le projet Bridge International Academies que la SFI a financé.
Cette année marque le 80e anniversaire de la création de la Banque mondiale. Alors que de nombreuses recommandations ont été formulées au fil des ans concernant les changements nécessaires pour améliorer l’institution, la politique imminente représente une occasion cruciale pour le groupe de la Banque mondiale d’instituer enfin un remède clair et un cadre de sortie responsable qui soit à la hauteur des nobles idéaux que la Banque a embrassés pendant des décennies.
Le Groupe de la Banque mondiale a toujours été destiné à être plus qu’une simple institution financière – il a pour mission de contribuer à un monde où les plus pauvres et les plus vulnérables ne sont pas ceux qui subissent le plus de préjudices, que ce soit en raison des impacts de la polycrise ou des projets de développement.
Les objectifs de la Banque, à savoir mettre fin à la pauvreté et résoudre la polycrise, ne pourront jamais être atteints sans un engagement clair et inébranlable à rendre des comptes aux communautés qu’elle est censée servir. Veiller à ce qu’elle assume ses responsabilités envers les personnes lésées par les projets qu’elle a financés constituerait un grand pas en avant.
Pour les communautés touchées par les initiatives financées par la SFI, l’absence prolongée d’un cadre de recours formel a exacerbé les préjudices et retardé la justice. La publication imminente de la politique de recours de la SFI est attendue avec impatience par les communautés en quête de justice et par les parties prenantes du monde entier, y compris CIEL, car elle représente une étape essentielle pour garantir des pratiques de développement équitables, une responsabilité significative et la réparation des préjudices.
Alors que le conseil d’administration de la Banque mondiale délibère sur l’approbation finale du cadre, CIEL et beaucoup d’autres resteront vigilants, plaidant pour une politique solide qui respecte le mandat et les responsabilités de la Banque mondiale en vertu du droit international, ainsi que les souhaits des communautés du monde entier qui continuent d’attendre les réparations qu’elles méritent.